Un des aspects de l'Internet qui m'avait fortement séduit dans les années 90, quand nous découvrions ce dernier, et le faisions découvrir à des centaines de personnes, est la possibilité de discuter, d'échanger entre plusieurs personnes, sur un sujet commun.
Philosophiquement, ce n'est pas une révolution, la parole, en même temps qu'un rassemblement physique en un lieu déterminé où peuvent se rejoindre les protagonistes, sont des ingrédients permettant d'aborder la discussion avec bonheur. L'échange épistolaire sera un pas allègrement franchi par tous les passionnés de la connaissance, de la transmission d'informations, pour des échanges à partir d'un sujet déterminé.
Les outils existaient donc bien avant l'Internet, ils sont d'ailleurs toujours utilisés tels quels par d'irréductibles disciples, transformés et manipulés afin de proposer du neuf avec de l'ancien. La nouveauté attirant le chaland, et la facilité le confortant dans son choix, les technologies se sont emparés de ces outils pour en faire leur fond de commerce ; car, de mon point de vue, il s'agit, le plus souvent, de mercantilisme. Non pas que l'outil le soit, mais son utilisation doit l'être afin de rentabiliser son implémentation.
Proposer ainsi aux généalogistes des systèmes d'échanges d'informations grâce à des questionnements ou des avis multiples, basiquement à partir d'un sujet précis, fait partie de l'offre induite par Internet. Ainsi, dans un passé récent, les outils mis à disposition, qu'ils soient basés sur le courrier électronique, les newsgroups, l'IRC ou quelques expériences web, n'avaient pas pour souci la rentabilité dans leur usage. Bien souvent hébergés par des universités, des établissements publics, ils étaient financés par ces derniers, permettant aux chercheurs, expérimentateurs et étudiants de se confronter au monde de l'Internet. La demande devenant plus forte, les utilisateurs plus nombreux, il parut évident à de nombreux investisseurs de s'intéresser à la chose. Le phénomène n'est pas nouveau, beaucoup d'inventions, d'utilitaires, de créations ne voient pas le jour dans un but commercial, ils le deviennent par la suite.
La discussion généalogique allait évoluer sur la toile. La combinaison de volontés de rentabiliser, en même temps que le souhait de facilité d'utilisation, sonnaient l'arrivée de la nouvelle utilisation des technologies de l'information et de la communication. Sans aucun apprentissage on peut désormais initier un sujet, répondre à un tiers, réfuter des arguments, exprimer un avis, comme je le fais en ce moment. Peu de contrôle, peu de connaissances, peu de techniques et encore moins d'éthique sont nécessaires.
Que dire d'untel qui va affirmer telle chose ? Qui est-il ? Quelle est sa légitimité ? Il est bien difficile de se faire une idée dans ce déferlement d'informations, vraies ou fausses, relevant parfois d'une simple volonté de se mettre sur l'avant de la scène, en faisant le "buzz". La course à la quantité prévaut bien plus que celle à la qualité.
Du généalogiste discipliné, consciencieux et recoupant ses informations, nous sommes passés à des milliers d'individus prétendant, sans aucune connaissance préalable, faire d'une discipline très rigoureuse un passe-temps, une compensation sentimentale, un ersatz sociologique, leur combat de réhabilitation quelconque. Haro soit qui mal y pense (!) Mais pensons-y quand même et prenons en compte cette transformation qui fait d'un sujet de discussion généalogique une considération sur la météo régionale, qui détourne la recherche d'un aïeul vers la modification de la recette de la soupe à l'oignon. Le nombre de messages inutiles à la généalogie dans les discussions généalogiques est impressionnant, le bilan carbone de ces échanges doit frôler l'indécent à ce jour !
Je ne me plains pas, je constate et m'adapte, sans toutefois m'inclure dans ces nouveaux ensembles qui font de certains de mes concitoyens de jeunes bêtes à cornes dont le Général, oui, celui-là, avait bien connaissance. Si je suis autant généalogiste c'est parce que, de mon point de vue, la discipline en nécessite, parce que la recherche y est fondamentale, que l'échange y est déterminant dans toutes ses constantes, et pas seulement dans la réception ; parce que la formation y est permanente et l'apprentissage source de multiples réponses aux problèmes posés.
La discussion généalogique, tout comme bien d'autres sans doute, devrait obéir à bien des règles ; cela s'appelait dans les groupes d'antan la nétiquette, mais peut s'appliquer, s'appliquait, et devrait s'appliquer, à toutes les discussions. Connaître le sujet, lire les antécédents, nettoyer ses réponses des contenus précédents inutiles, ouvrir une nouvelle discussion si le sujet s'éloigne, éviter les remarques personnelles, se former et parcourir toutes les conversations et avertissements proposés, sont des préalables et des attitudes à connaître et adopter. L'Internet fourmille d'informations et de données que l'on ne lit pas, par manque de formation ou de curiosité ; nombre de réponses sont déjà exprimés sur le grand réseau. Les messages qui circulent à ce sujet seraient réduits à presque rien si l'on prenait le temps d'interroger les moteurs de recherches à son propos.
Une nouvelle fois la généalogie se transforme en devenant une entité protéiforme évoluant au besoin de chacun, collant au mieux aux nouvelles technologies, proposant à tout un chacun de participer tout en éloignant de plus en plus le généalogiste de son but, qu'il ne définit pas toujours.
A nous, lucides de l'ensemble des propos tenus, de trouver notre voie et nos solutions en naviguant dans l'ensemble de ces contenus le plus sereinement et en toutes conscience et connaissances obtenues.