"Ah ben oui ma brav'dame, si vous aviez connu not' époque, c'était tout de même aut' chose !"
Quel généalogiste, au début, en cours ou à la fin d'une discussion sur la famille, l'Histoire, la société et les vicissitudes personnelles, n'a jamais entendu ce genre de réflexion : "C'était mieux avant !".
L'historien qui sommeille et s'éveille parfois en tout généalogiste va réagir plus subtilement, à la vitesse de l'éclair, les autres se contenteront d'un "C'est ben vrai ..." ou d'un "Pour sûr !", laconiques. Réagissons donc avec toute la nuance qui sied à notre discipline en replaçant dans le contexte le "C'était mieux avant".
Personnellement, je préfère : "C'était différent avant" ; ce qui ne m'engage guère et s'avère véridique la plupart du temps. A lire tous ces actes, ces articles de journaux, ces écrits historiques, ces constatations de notaires, les cadastres et autres compoix, quelques terriers et ces trop rares livres de raison, je ne pense pas souhaiter aller vivre dans le passé, quel qu'il soit. Y aller vivre quelques jours, en vacances, certes oui, mais pas trop longtemps !
Il va sans dire que si notre situation financière, sociale, familiale vient à se dégrader, nous ne pouvons que regretter un temps passé ; mais dans la généralité, le temps d'avant, c'est un temps différent, un autre temps, passé, sur lequel nous devons nous reposer pour nos actions présentes. Nos familles, nos recherches nous en ont convaincus, se sont bien souvent déchirées ; savoir ce qui s'est passé nous permettra, peut-être, de ne pas refaire la même chose.
Alors, si le généalogiste, dans son approche du "C'était mieux avant", devenait un sage, un conseiller familial, le négociateur ou le diplomate ? Il va pouvoir démontrer l'inutilité de certains gestes, la bassesse de comportements anti-sociaux ou au contraire la générosité dans de belles actions. Mais le passé deviendrait-il alors un recommencement ? Ce n'était pas mieux avant puisque cela recommence !!!
Oui, certainement mais ce n'était ni mieux, ni moins bien. Chaque individu en a son propre ressenti et chaque événement vécu est perçu différement dans la contemporanéité. L'événement devient alors point de référence, permettant de le dupliquer ou de l'éviter, voire, tout simplement, de le constater. Je pense réellement que le généalogiste a, ou tout au moins devrait avoir, cette attitude dans sa sphère individuelle. Que cette dernière soit professionnelle ou de loisir, familiale ou clientéliste. A nous de refuser le "C'était mieux avant", et de le transformer en une constatation d'un état, passé, que nous sommes à même de comprendre et commenter, interpréter, afin de créer l'Histoire, qu'elle soit Petite ou Grande.
Et quand Mamy osera dire "C'était mieux avant", vous l'embêterez en lui demandant ce qui était mieux, pour qui, à quel moment, comparé à quoi. A ce stade je pense que votre vénérable grand-mère vous enverra sur les roses en vous disant que vous n'y étiez pas et que vous ne comprenez rien ! Ce que vous lui admettrez volontiers, tant vous ne songez pas à l'énerver. Rappelez-lui toutefois les différents progrès que connait notre société, le peu de mortalité infantile que nous connaissons dorénavant, les libertés d'expression, de travail, de déplacement, la qualité de notre environnement (ah oui, il y a la pollution ...), nos moyens de communication, le fait de tourner un robinet pour avoir de l'eau, une hygiène de vie confortable etc. Et certes, si l'on peut opposer des arguments contradictoires, notre civilisation tend au progrès et les nombreuses lectures citées ci-dessus me confortent dans cette optique.
Ce n'était pas mieux avant, ni après d'ailleurs, c'était une autre époque pendant laquelle certains de nos aïeux disaient : "C'était mieux avant".