Je comprends le souci de certains de mes ancêtres, quelques paysans récemment argentés, plus ou moins embourgeoisés, de démontrer une lignée agnatique forte et dont la noblesse de la race se perpétue de générations en générations. Mais je comprends de moins en moins, à la lumière de nos connaissances actuelles, que cette tendance perdure chez un grand nombre de généalogistes contemporains.
C'est régulier, je trouve un mariage, le généalogiste mentionne les parents du marié et ne précise rien concernant ceux de la mariée. L'existence des femmes dans ces généalogies serait-elle d'une invisibilité si satisfaisante aux yeux de ces collectionneurs de mâles ? Certes, certes, le tableau n'est pas si noir que cela et la connaissance fait avancer les choses et comprendre des états dont nos aïeux avaient peu conscience, mais la constatation et la prédominance de la recherche agnatique sont bel et bien présentes.
J'ai bien du mal à comprendre une généalogie en dehors d'un ensemble de personnes incluant tous les parents, grands-parents, arrière-grands-parents etc. Dire à une personne que sa généalogie sur cinq générations c'est cinq personnes qui ont fondé la lignée des SAPERLIPOMPOM, c'est un peu comme, de nos jours, dire que nous descendons du singe. Comment percevoir une famille, les ascendants et descendants, autrement qu'en étudiant l'ensemble des branches. Cinq générations en ascendance, ce sont trente-et-une personnes qui, chacune, ont apporté quelque chose à celle qui est à la base ; il n'en est pas une, généalogiquement parlant, plus ou moins importante que l'autre. C'est l'étude de l'histoire familiale qui nous en fera aimer plus ou moins certains, constater que c'est untel qui a transmis cette fameuse maladie héréditaire, ou tel autre qui a créé ce mouvement ayant séparé la branche de la famille.
Il est indispensable, à mes yeux, que les généalogistes étudient l'ensemble des ancêtres, c'est le seul moyen d'avoir une vue complète d'une famille. Les autres études seront partisanes et influencées par des contextes religieux, sociologiques ou communautaires, non toutefois sans être dénuées de sens puisque commandées dans un but précis, mais effaçant toutefois une grande, voire importante, partie de la généalogie familiale.
J'oserai alors parler d'une généalogie laïque, certes intrinsèque en moi, ouverte et permettant l'étude la plus complète possible, hors les barrières et frontières provoquées par les inhibitions en tous genres nous entourant. Cela devient une des difficultés pour laquelle nombre de personnes ne veulent pas que l'on révèle leurs ascendants : peur de l'inconnu, révélation de secrets de familles, fausses informations données jusqu'à ce jour etc. Rajoutons à cela le fait qu'une généalogie complète est d'un coût plus élevée qu'une généalogie agnatique vite fait bien fait, et nous comprendrons facilement que les arbres généalogiques présentés sont pauvres en rameaux ! Il convient parfois, qualité principale des généalogistes, d'être patient, et de préférer payer quelques deniers pour deux ou trois générations complètes et continuer ainsi, denier après denier, génération après génération, que dépenser trois francs et six sous pour une vague branche ascendante sur six générations de mâles sans autre intérêt que d'être porteur de votre nom.
Ainsi parmi les nombreux défis, plus ou moins futiles, qui existent sur internet au sujet de la généalogie, ma préférence ira donc à celui qui consiste à produire un arbre généalogique complet sur dix générations ; un superbe défi et un magnifique travail, une compréhension idéale de la famille. J'en ai déjà parlé ici-même, une généalogie c'est avoir un but, et même si ce but est en contradiction avec les propos du présent article, il n'en demeurera pas moins le fondement de la recherche et le fil conducteur de cette dernière. Mais ce but, hors la recherche complète des membres de la famille, demeurera toujours plus ou moins éloigné, et donc plus ou moins faussé, d'une représentation objective de ladite famille.
Enlevons donc quelques oeillères, considérons les éléments féminins de nos généalogies au même titre que les éléments masculins et faisons avancer nos Histoires familiales sur une route aussi dégagée que possible.