On lit dans le Journal du Havre : Une émouvante tragédie s'est passée hier au soir dans la maison n° 196 de la rue de Normandie.
Il était dix heures et demie lorsque M. HEUDES, commissaire de police de la section de Graville, fut informé qu'une scène horrible venait d'avoir lieu chez le sieur GREBERT (Ferdinand Léopold), âgé de trente-sept ans, fondeur, né à Gruchet-le-Valasse.
M. le commissaire s'est rendu de suite sur les lieux, et, à son arrivée au troisième étage, il entendit la voix d'une enfant qui demandait à boire. On dit à l'enfant d'ouvrir ; elle répondit qu'elle ne pouvait pas, et cela d'une voix affaiblie. M. le commissaire fit aussitôt enfoncer la porte, et vit alors cette pauvre fillette baignée dans son sang, au milieu de la pièce. On s'empressa de la relever, de la mettre sur le lit, de la débarrasser de ses vêtements et de laver ses blessures, pendant qu'on envoyait chercher un médecin.
M. HAUTOT, officier de santé, étant arrivé bientôt après, a constaté que l'enfant avait reçu plusieurs coups de couteau à la gorge et d'autres blessures graves derrière la tête.
Après un premier pansement, la petite fille qui n'est âgée que de six ans au plus, a été enveloppée dans une couverture et transportée à l'hospice. A l'endroit où elle était, dans la chambre, on a trouvé le couteau-poignard qui avait servi à l'exécution du crime.
Procédant alors à l'examen des lieux, M. HEUDES ne tarda pas à découvrir dans une pièce voisine, servant de grenier, séparée de la première par une cloison en planches, le cadavre de GREBERT, père de la petite fille, pendu au moyen d'une corde attachée à un soliveau. On a coupé la corde ; mais tout secours était inutile, la mort remontait à plusieurs heures. Le corps de GREBERT portait également trois blessures à la gorge, faites avec le même couteau-poignard.
D'après le dire des voisins, GREBERT qui vivait séparé de sa seconde femme, ayant avec lui sa petite fille, issue d'un premier mariage, avait donné à plusieurs reprises des signes d'aliénation mentale. Depuis un mois surtout, les accès de folie étaient bien plus fréquents. On avait vu sortir hier, dans l'après-midi, GREBERT avec sa jeune fille. Il avait du rentrer chez lui entre sept et huit heures du soir.
Sur la cheminée se trouvait une carafe contenant de l'eau-de-vie, et tout porte à croire que GREBERT, après avoir absorbé une certaine quantité de spiritueux, qui n'a pu qu'exaspérer sa folie, a renversé sa petite fille à terre, lui a frappé la tête sur le pavé et lui a ensuite porté les coups de couteau à la gorge. Alors, la croyant morte, il se serait poignardé lui même, et comme la mort n'était pas assez prompte pour lui, il est allé se pendre. Il a du s'écouler un assez long espace de temps entre l'accomplissement du crime et le moment où la petite fille, remise de son évanouissement, a pu crier et donner l'éveil aux voisins.
Ce matin, l'état de l'enfant, qui se nomme Marie, donnait encore de vives inquiétudes. Hier, elle rendait par la blessure de la gorge, l'eau et le vin qu'on lui présentait à boire.
Ferdinand Léopold GREBERT, fils de Pierre Victorin, tisserand âgé de 42 ans, et de Victoire Rosalia SAMSON, dévideuse, âgée de 38 ans, est né à Gruchet (Seine-Maritime), le 11 février 1826.
Pierre Victorin GREBERT, né à Gruchet le 5 septembre 1784, fils de Jacques Augustin décédé à Gruchet le 28 janvier 1811, et de Marie Clotilde LESALLIER, décédée à Gruchet le 17 octobre 1809, s’est marié à Gruchet, le 21 février 1811, avec Suzanne Victoire Rosalie SAMSON, née à Lintot (Seine-Maritime), le 23 février 1789, fille de Charles Amable Dauphin, journalier, et de Marie Madeleine Jeanne ETIENNE.