On écrit de Saint-Valery-sur-Somme, le 4 août, au Journal d’Amiens :
A nos brillantes journées de fête vient de succéder une scène de désolation et de deuil.
M. DELÉON, gendre du capitaine CHATELAIN, de Saint-Valery, se baignait aujourd'hui avec sa famille aux bains de la Ferté ; il était une heure et demie, la marée montante n'avait encore atteint que la moitié de sa hauteur, et l'on comptait à peine deux mètres d'eau de profondeur.
Après avoir fait baigner sa jeune femme et l'avoir ramenée à sa cabane, M. DELÉON retourna à la mer, en compagnie de l'un de ses parents et de quelques autres personnes qui prenaient leur bain. Le maître baigneur, le voyant près de la corde, lui dit qu'il pouvait rester sans crainte dans cet endroit ; mais M. DELÉON, qui savait assez bien nager, et connaissait parfaitement la plage, descendit un peu plus bas. Tout à coup, il bat l'eau avec ses bras, jette un faible cri, et disparaît.
Cela se passa si vite que ni son parent, qui était près de lui, ni les personnes les plus rapprochées ne s'en aperçurent. Pourtant on avait vu ses mouvements de la berge, on l'avait aussi vu disparaître sous l'eau, mais comme journellement un grand nombre de baigneurs se livrent à de semblables ébats, on supposa qu'il s'amusait.
L'alerte néanmoins est aussitôt donnée : l'un des baigneurs-jurés accourant, se jette à l'eau, plonge en tous sens ; vains efforts, le corps a disparu. Un service de sauvetage s'organise sur une grande échelle ; M. le commissaire de l'inscription maritime accourt avec son personnel, un grand nombre de personnes le suivent. De larges filets sont lancés à la mer, des sondages sont faits de tous côtés, mais ces nouvelles tentatives demeurent stériles, on ne parvient pas même à retrouver le cadavre, qu'on suppose être entraîné par le grand courant.
Tandis que ce terrible évènement se passait à la mer, une scène non moins dramatique avait lieu à terre. Mme DELÉON, éperdue de douleur à la nouvelle de l'accident, s'était frayé un passage au milieu des spectateurs, et voulait s'élancer à l'eau ; on eut les plus grandes peines à la retenir, et quand, brisée par la lutte et l'émotion, un peu de calme lui fut revenu, les spectateurs silencieux suivirent en cortège les personnes qui la reconduisaient près de sa famille.
P.-S.- Le corps de M. DELÉON a été retrouvé mercredi matin, au large des bains.
Victor DELÉON, ciseleur, âgé de 33 ans 7 mois et 1 jour, né à Grenoble (Isère), fils de Jean Joseph, et d'Anne GALVIN, tous deux propriétaires à Maisons-Laffitte (Yvelines), époux de Marie Pauline Alexandrine CHATELAIN, est décédé le 5 août 1863, à Saint-Valery-sur-Somme (Somme). François Constantin CHATELAIN, capitaine au long court, âgé de 64 ans, beau-père du défunt déclare le décès.
Jean Joseph DELÉON, tailleur d'habits, domicilié à Grenoble, où il est né le 1er ventôse de l'an 6, fils d'Antoine, tailleur d'habits à Grenoble, et de Marguerite DONNET, s'est marié le 5 mars 1829, à Séchilienne (Isère), avec Anne Marie Angélique GALVIN, née à Saint-Barthelemy-de-Séchilienne (Isère), le 29 vendémiaire de l'an 8, modiste domiciliée au Château, hameau de Saint-Barthelemy-de-Séchilienne, fille de Louis, conseiller municipal et propriétaire à Saint-Barthlemy-de-de-Séchilienne, où il demeure au hameau du Château, et d'Anne RUELLE.