Tribunaux
Singulier moyen de guérir les douleurs rhumatismales. - Homicide par imprudence.
Louis LENOBLE, habitant la commune d'Ollé (Eure-et-Loir), est un empirique de vieille date qui, avant la découverte de son remède héroïque contre les rhumatismes, pratiquait plus spécialement l'art de guérir les maux d'aventure dits panaris, au moyen d'incisions et d'applications d'onguents. Plusieurs témoins ont déposé de l'efficacité de ce mode de traitement ; malheureusement pour lui, il a voulu étendre ses moyens curatifs en pratiquant l'art de guérir les rhumatismes.
Voici comment le prévenu initié la justice à ce nouveau mode de guérison. "Depuis plusieurs années, la femme CARRÉ me disait qu'elle était atteinte de douleurs rhumatismales ; son mari me le disait également. Je leur dis que j'avais vu mon père se mettre à deux reprises différentes dans le four où il avait déposé des feuilles de bouleau, et se guérir de ses douleurs. J'ai cru devoir prescrire ce remède à la femme CARRÉ."
CARRÉ raconte ainsi les faits :
"Depuis deux ans environ, ma femme étant atteinte de douleurs rhumatismales, s'est adressée à LENOBLE, qui se chargea de la guérir, et qui lui mit dans la tête qu'en déposant des feuilles de bouleau dans un four, et en se couchant ensuite dessus, il parviendrait à la guérir comme il avait guéri son propre père.
"Le 24 de ce mois ma femme étant décidée à se faire traiter par LENOBLE, je suis allé chercher des feuilles de bouleau, puis j'ai prévenu LENOBLE que nous devions cuire le lendemain, et que ma femme se recommandait à lui.
"LENOBLE vint vers dix heures, le pain était encore dans le four ; nous l'avons retiré, LENOBLE est sorti disant qu'il allait chercher des herbes ; il est rentré trois quarts d'heure après. Il a dit à ma femme de nettoyer le four, d'apporter une paillasse, qu'il a disposée lui-même dans l'intérieur. Il a jeté des feuilles dessus, puis a dit à ma femme qu'elle eût à rentrer dans le four et à se coucher sur la paillasse. Il est resté seul avec ma femme pendant que je m'occupais des travaux de la maison.
"Au bout de quelques temps je suis revenu et je l'ai entendue dire à LENOBLE que ça la brûlait d'un côté. LENOBLE est monté dans le four, je lui ai donné des feuilles qu'il a mises à l'endroit où ma femme se plaignait. Il est sorti de l'intérieur du four ; quelques instants après, ma femme s'est plainte d'une brûlure de l'autre côté ; LENOBLE est remonté dans le four et lui a mis encore des feuilles sur l'endroit douloureux. Ma femme ayant dit qu'elle ne souffrait plus, LENOBLE a quitté l'intérieur du four. Quelques temps après, ma femme s'est écriée qu'elle se sentait toute malade. LENOBLE a répondu que ce n'était rien et qu'il fallait qu'elle endurât le plus qu'elle pourrait pour être guérie. Bientôt après LENOBLE a adressé la parole à ma femme, elle ne lui a pas répondu ; il a dit que c'était bien extraordinaire puisqu’elle lui avait toujours causé. Nous l'avons sortie du four. Nous avons vu qu'elle était sans connaissance. Sur la demande de LENOBLE, je suis allé chercher du vinaigre, qui n'a produit aucun effet. LENOBLE disait toujours que c'était extraordinaire. Nous avons porté ma femme dans son lit. LENOBLE m'a dit qu'il fallait qu'il me quittât ; que si mes enfants venaient à la maison, j'aie à leur dire que ma femme s'était trouvée mal. Elle est morte le lendemain, sans avoir repris sa connaissance."
La justice, trouvant que le remède était beaucoup trop topique, demandait raison à LENOBLE de son imprudence.
Ce dernier a avoué les faits, sauf quelques détails insignifiants ; il n'a pas cru devoir se faire assister d'un défenseur.
Le tribunal de Chartres a condamné LENOBLE à six mois de prison et 50 fr. d'amende.
Marie Madeleine BELLIER, âgée de 55 ans, né à Ollé (Eure-et-Loir), fille des défunts François et Madeleine CHAPRON, épouse d'Etienne Martin CARRÉ, est décédée à Hardessé, commune d'Ollé, le 26 mai 1863. Pierre Etienne CARRÉ, cultivateur à Hardessé, âgé de 32 ans, fils de la défunte, déclare le décès.
François BELLIER, âgé de 32 ans, fils de défunt Pierre, et de Marie Jeanne BEAUPÉRE, s'est marié à Ollé, le 7 brumaire de l'an 3, avec Marie Madeleine CHAPRON, âgée de 19 ans, fille d'Etienne, laboureur, âgé de 65 ans, et de Marie Denize MAHÉ, tous demeurant à Hardessé.