Un jeune homme âgé de dix-neuf ans, Henri-Auguste BARTHÉLEMY, peintre en bâtiments, était traduit aujourd'hui devant le jury de la Seine sous l'accusation d'homicide volontaire avec préméditation sur la personne d'un grenadier de la garde impériale :
BARTHÉLEMY et BONNEVEAU, soldats au 2e régiment de grenadiers de la garde impériale, poursuivaient ensemble de leurs assiduités la fille Irma-Félicité DUMONT, qui, après avoir été la maîtresse de BONNEVEAU, était devenue celle du premier ; de là des querelles et des rivalités entre tous les deux.
Dans la soirée du 26 au 27 février dernier, BARTHÉLEMY vint de Nanterre à Suresnes, où demeure la fille DUMONT, et la conduisit, ainsi que sa sœur, au théâtre de cette commune. Vers onze heures du soir, il les quitta pour retourner à Nanterre, et bien qu'il sût qu'il était précédé sur son chemin par BONNEVEAU, il s'obstina, malgré les avis qui lui furent donnés, à prendre la même route que son rival.
Une heure environ après, c'est à dire vers minuit, l'accusé se présentait à la caserne de gendarmerie de Suresnes, et il déclarait que, rencontré par BONNEVEAU et menacé par celui-ci qui avait dégainé son sabre, il s'était mis en défense et l'avait frappé de son couteau. "Je ne sais, ajouta-t-il, s'il est mort ou vif, mais je crois qu'il est mort."
Il était mort en effet. Son corps inanimé fut trouvé à 70 mètres environ du chemin de fer ; il avait dans le dos, au-dessous de l'omoplate, du côté gauche, une plaie large et béante. L'instrument vulnérant avait pénétré presque directement d'arrière en avant à travers l'espace intercostal, l'artère aorte avait été ouverte. La mort avait dû être presqu'instantanée.
Le couteau dont s'est servi l'accusé est un long couteau semblable à ceux dont se servent les bouchers ; depuis plus de quinze jours, il le portait sur lui.
A l'époque où les faits se sont passés, la fille Irma DUMONT le menaçait de le quitter, de retourner avec BONNEVEAU, qui lui promettait de l'épouser, et qui avait obtenu le consentement de ses parents.
Après le réquisitoire de Me MARIE, avocat général, la défense de l'accusé a été présentée par Me de LASALLE.
Déclaré coupable par le jury de meurtre simple, et avec des circonstances atténuantes, Henri BARTHÉLEMY a été condamné à six années de travaux forcés.
Augustin Prudence BONNEVEAU, soldat au premier régiment des grenadiers de la garde impériale caserné à la Pépinière à Paris, né à Saint-Saturnin-lès-Avignon (Vaucluse), le 7 avril 1837, fils de Jean Baptiste, et de Catherine CEBE, menuisiers à Saint-Saturnin-lès-Avignon, est décédé le 27 février 1863, à Suresnes (Hauts-de-Seine).
Jean Baptiste BONNEVEAU, âgé de 22 ans et 4 mois, né et domicilié à Villeneuve-lès-Avignon (Gard), fils de Joseph, aubergiste, et de Magdeleine GAILLARD, domiciliés à Villeneuve-lès-Avignon, s'est marié à Saint-Saturnin-lès-Avignon, le 25 janvier 1826, avec Catherine CEBE, âgée de 24 ans, née et domiciliée à Saint-Saturnin-lès-Avignon, fille de François, cultivateur, et de Françoise ESTEVENIN, domiciliés à Saint-Saturnin-lès-Avignon.